Pour une autre manière d'être en relation
- Ludivine
- 10 janv. 2018
- 7 min de lecture

Alors qu'en 1971, 343 salopes osaient signer le manifeste « je me suis fait avorter », en 2013, 343 salauds voulaient sauver leur droit à leur pute. Aujourd'hui, en 2018, 100 femmes veulent défendre la liberté des hommes à importuner les femmes. Tout cela le jour de l'anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir et le lendemain d'un discours éminemment féministe d'Oprah Winfrey. Waouh ! 2018 démarre en grand écart !
Avec cette fameuse tribune de 100 femmes, il y a beaucoup, beaucoup à dire. Mais d'abord merci à aux Catherine Deneuve, Millet et Robbe-Grillet et aux 97 autres signataires (bien moins nombreuses que les salopes de 1971) de prendre la défense des pauvres hommes émasculés par le féminisme puritain (On est pas un non-sens près. Cf fin de cet article) du 21ème siècle.
Tous les hommes sont-ils des porcs ? Pour Elisabeth Levy, c'est ce que le mouvement de libération de la parole des femmes tends à faire penser.
Bien sûr, il n'en est rien. Oui il y a des hommes bien. Plein. Beaucoup même. Mais, l'heure n'est pas à faire l'éloge des hommes bien, mais à dénoncer les hommes irrespectueux ou criminel. Il n'est pas question de mettre tous les hommes dans le même panier. Cependant, il est bien évidemment impossible de parler de façon nominative. Il est impossible de faire la liste exacte, précise, détaillée et nominative des hommes respectueux et des hommes irrespectueux. Et si nous le faisions, nous ferions acte de délation !
Il y a des hommes qui loin de s'insurger des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ont, au contraire, pris conscience de l'ampleur du problème, ont pris conscience de leur responsabilité, voir de leurs erreurs passées. Ces hommes n'ont pas été sommés de battre leur coulpe. Ils n'ont pas été sommés de se repentir. Ceux-là n'ont pas crier à la délation. Ils ne se sont pas senti accusés, attaqués, jugés, méprisés. Ils ont compris. Ils ont entendu. Ils ont soutenu. Ils ont accompagné le mouvement. Et ils souhaitent que les relations entre les hommes et les femmes évoluent.
Que veulent les femmes ? Je ne suis pas les femmes, mais je suis une femme parmi d'autres et comme d'autres. Et ce que je veux c'est simplement pouvoir me promener en ville sans être interpellée par un homme ou plusieurs hommes. C'est sortir de chez moi sans m'entendre reprocher de ne pas sourire « Allez souris ! T'es plus jolie quand tu souris ! » Oui et ?! Est-ce que je me dois d'être jolie à chaque instant et en tous lieux pour le plaisir du regard des autres ? Est-ce que ma vie, mon rôle, ma fonction dans l'espace public se résument à être agréable à regarder ? Je n'ai pas envie d'être sifflé ? Je ne suis pas un chien. Je ne suis pas une chienne. Ou je le suis dans l'intimité de ma couche si je le désire. Je n'ai pas envie qu'un homme se frotte contre moi dans le métro, se masturbe devant moi dans le bosquet d'une aire de jeux ou encore qu'un homme me toise ou me mâte comme on dit.
Non je ne veux pas subir une drague un peu lourde. Parce que si cette drague un peu lourde n'est certes pas un crime, en revanche elle m'importune ! Et je n'ai pas envie d'être importunée. Je rappelle ici la définition du verbe importuner : « Déplaire, ennuyer, fatiguer par des assiduités, des discours, des demandes, une présence hors de propos ». Mais qui peut se prévaloir de cette liberté ? Qui peut se sentir assez puissant, assez supérieur pour vouloir user d'une telle liberté ? Qui souhaite être un importun ? Qui ambitionne et se dit « moi je veux pouvoir déplaire, fatiguer, ennuyer les femmes si ça me chante. » ? Et qui peut vouloir défendre ces gêneurs, fâcheux, parasites, enquiquineurs (les synonymes ne manquent pas!) ?
Elisabeth Levy déclare : « On a fait un siècle de féminisme, un siècle de combat pour l'égalité, pour défaillir comme une pauvre petite chose de porcelaine quand un type vous dit "Je vais te faire jouir". Je ne veux pas vivre dans ce monde-là ! » Mais Mme Levy vous n'avez pas compris. Les femmes peuvent apprécier qu'un homme leur dise cela. D'ailleurs, les femmes aiment et veulent jouir. Rassurez-vous ! Et le scoop absolu, c'est que même les féministes aiment et désirent jouir. Simplement, la plupart d'entre elles aiment entendre cela de la bouche de leur partenaire, qu'il s'agisse d'un coup d'un soir, d'un sex-friend ou de l'amour de leur vie et que leur partenaire soit un homme ou une femme. Par contre, la plupart d'entre elles ne souhaitent pas l'entendre d'un parfait inconnu avec qui elles n'ont aucun projet de cet ordre -là. Voyez-vous la différence ? Et que celles qui comme vous et vos 99 acolytes aiment se l'entendre dire de n'importe quel homme croisé sur un trottoir ou dans un tramway, grand bien leur fasse. C'est ok pour moi. Permettez seulement à celles qui ne le veulent pas de le dire. Et que leur position soit respectée.
Les femmes qui ont balancé les porcs de leur vie ou qui ont partagé leur vécu avec #MeToo ne veulent rien d'autre que de pouvoir jouir paisiblement de l'espace public. Ah vous voyez qu'elles veulent jouir ! Elles veulent jouir au lit avec leur partenaire. Et elles veulent jouir de l'espace public sans être confrontées à la goujaterie, aux sexisme et à la culture du viol de notre société.
Le jeu de la séduction est un art. C'est un art qui demande délicatesse, subtilité et respect de l'intégrité de l'autre. Ce que je nomme ici intégrité n'est autre que le respect des valeurs, des sentiments et émotions et des limites (1). La drague insistante n'est pas de cet ordre puisque le dragueur se fait insistant pour parvenir à ses fins. Or, si l'homme insiste, c'est donc que la femme a déjà fait savoir qu'elle n'était pas intéressée. Par conséquent, cela signifie que le dit dragueur a un problème avec la notion de consentement. Quand on dit « non », ça ne veut pas dire « oui peut-être. Allez vas-y insiste encore un peu, je vais te dire oui. Je te dis non juste pour la forme mais en fait je meurs d'envie que tu me prennes, là tout de suite ! ». Non en fait si je t'ai dit « non » à toi le dragueur, c'est que vraiment « non merci, sans façon, je ne suis pas intéressée. ». En fait, c'est drôle, hein mais personne n'apprécie d'être importuner au téléphone à l'heure du dîner familial par un appel téléphonique (2) destiné à nous fourguer un matelas, une assurance ou un forfait mobile. Alors, pourquoi, nous les femmes devrions-nous accepter de subir cela dans la rue, dans le métro, dans un bar, en discothèque, à la médiathèque et autres lieux publiques ou privés ? Un premier « non » dit avec politesse et gentillesse, un deuxième dit avec plus de fermeté, peut-être encore un troisième dit avec impatience et colère devraient plus que suffire. Passer outre, c'est aller au delà du respect. Que cela vous plaise Mesdames, soit ! Mais, permettez là encore, que ça ne convienne pas à toutes les femmes.
Je vais passer sur les « propos intimes lors d'un dîner professionnel », les « messages à connotations sexuelles à des femmes dont l'attirance n'était pas réciproque », sur les tentatives de baisers volés et la main sur le genou, sur le terme d' « accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme ». Parce qu'à force, je ne sais plus où donner de la tête. Votre tribune Mesdames est un festival d'espièglerie !
Nul besoin d'une appli pour se notifier l'un et l'autre les pratiques acceptées et rejetées par chacun comme vous l'ironisez. Dans des relations humaines basées sur l'équidignité (3) chacun respecte l'intégrité (valeurs, sentiments, besoins et limites) de l'autre. Par conséquent, si une femme dit « non », « stop », « je ne veux pas », le séducteur va s'arrêter. Dont acte. Le porc, pardon le dragueur insistant, va continuer ! Il ne va pas respecter la limite qui lui aura été pourtant clairement notifiée. Et ce dragueur là n'est pas simplement maladroit. Il sait parfaitement ce qu'il fait. Il a très bien décodé les signaux non-verbaux et il a très bien entendu les mots lui signifiant la limite de la femme qu'il a face à lui. Mais il continue. Ce n'est pas de la maladresse, mais du mépris, de l'abus de pouvoir, la mauvaise foi à vouloir croire ne rien faire de mal ainsi certainement qu'un fort sentiment de supériorité. Le dragueur maladroit prends conscience de sa maladresse aussitôt qu'elle lui est nommée. Il n'insiste pas. Il reconnaît qu'il est allé trop loin. Le dragueur insistant lui, continue, insiste et peut même devenir menaçant et insultant « Oh ça va, c'est pas méchant ! C'est plutôt flatteur pour toi ! T'as pas d'humour ! Mal baisée ! Salope ! ».
Oui, lorsqu'on est harcelée, lorsqu'on est agressée sexuellement, on est victime. Victime de harcèlement. Victime d'agression. Victime au sens juridique du terme. Le dire ne fait pas des femmes des victimes perpétuelles, ni de petites choses en porcelaine. Le dire, fait des femmes victimes, des femmes debout.
La liberté d'importuner s'arrête là où commence la liberté des femmes de ne pas vouloir l'être. Et la responsabilité des hommes, des femmes et des parents est de vivre, incarner et transmettre la valeur d'équidignité. Oui, vivre c'est prendre des risques. Prendre le risque de monter au toboggan quand on est petit, de jardiner sur un sol glissant quand on est âgé, de s'engager dans une relation amoureuse, de conduire une voiture, etc. Cependant, il est des risques que l'éducation et la politique peuvent considérablement réduire. La culture du viol impose aux femmes des risques de harcèlements et d'agressions et cela quelque soit leur âge, leur origine et leur orientation sexuelle. Les harceleurs et agresseurs n'ont pas besoin de 100 femmes pour perpétuer cette culture du viol déjà bien ancrée. Et le puritanisme n'a pas besoin du féminisme, il a besoin du patriarcat, car le puritanisme impose aux femmes d'étouffer leur désir et de s'en tenir à satisfaire celui de leur époux. Le puritanisme réprime la sexualité des femmes, pas celle des hommes.
Culture du viol et puritanisme se trouve sur le même continuum celui d'une société machiste, sexiste, patriarcale. Ce sont deux faces d'une même médaille. Il s'agit maintenant pour les hommes et les femmes de se retrouver HORS de ce continuum, dans une nouvelle forme de relation à la fois authentique, équidigne et responsable.
A l'instar de Dominique Vicassiau « Je revendique le droit que les hommes respectent mes non pour pouvoir jouir avec eux de mes oui. J'appelle ça ma liberté sexuelle. »
--
(1) Voir pour cette notion d'intégrité les ouvrages de Jesper Juul
(2) Après avoir pris l'exemple du marketing téléphonique, je suis allée lire la liste des signataires et faire connaissance avec celles qui étaient pour moi d'illustres inconnues. Il s'avère que l'une d'entre elle, a lancé le premier Syndicat du marketing téléphonique !!!
(3) Equidignité : traduction française du néologisme que l'on doit à Jesper Juul, auteur et thérapeute familiale danois.
Comments